Le siège de campagne de Nicolas Sarkozy, ouvert depuis peu, est situé rue d’Enghien, à proximité des Grands Boulevards, ces fameux boulevards où il y a tant de choses à voir, là où les camelots bavards vous débitent leurs bobards, là où il peut y avoir de grands jours d’espoir, comme des jours de colère, qui font sortir le populaire toujours ardent, parfois frondeur, qui fait de Paris, Paris.
Le bel immeuble fut construit pour le Le Petit Parisien, quotidien fondé en 1876, dans les pages duquel on put lire les grands reportages d’Albert Londres pendant les années folles, et qui disparut en 1944 en raison de quatre années de collaboration très active avec l’occupant. Plus récemment, ses murs abritèrent le pitoyable devin Paco, ferronnier de la mode…
Le hall d’entrée est comme “cinématographique”. Majestueux double escalier, rampes d’inox rutilant, éclairage sculpté, murs blanc cassé, moquette noir d’obsidienne… Voilà bien un escalier qu’il n’est possible de gravir qu’avec style ou de descendre avec panache.
Où suis-je ? Dans quelque studio de Cinecittà ou de l’UFA, dans quelque décor grandiose pour Fritz Lang ou Josef von Sternberg qui sera magnifié dans un noir et blanc vibrant et contrasté ?
Non, je dois être à Hollywood assurément, Boulevard du crépuscule, et, d’un instant à l’autre les voitures de police s’arrêteront dans la rue, pneus crissant, les reporters photographes jailliront de nulle part, flashs crépitant, et alors, Norma Desmond pourra enfin descendre lentement les marches du palace pour son dernier et inoubliable rôle. “There’s nothing else - just us and the cameras and those wonderful people out there in the dark… All right, Mr. DeMille, I’m ready for my closeup.”
Non, je suis ailleurs encore. Quelle est cette ambiance funèbre, cet immense portrait inconnu qui vous fige du regard ? Serais-je arrivé dans l’un de ces manoirs nouveau-riche du New Jersey, vais-je découvrir en haut de ces marches une vaste salle de marbre de Carrare, au centre de laquelle un cercueil ouvert attendra mes condoléances au-dessus de la dépouille d’un capo prometteur, un membre de la famille Soprano accidentellement et trop tôt rappelé à Dieu ?
Ou bien, me suis-je encore égaré rue Cambon, et c’est la Coco qui va envoyer ses mannequins d’un geste impérieux… “Le luxe, ce n’est pas le contraire de la pauvreté, mais celui de la vulgarité.”
Dans les semaines à venir, ces marches connaîtront bien des ascensions, certaines rapides et nerveuses, d’autres pesantes et fatiguées… S’y croiseront ambitieux, arrivistes, intrigants, célébrités, opportunistes, affairistes, journalistes, courtisans, caudataires, stratèges, laquais, éminences… Nul doute que cet escalier aujourd’hui encore silencieux bruissera bientôt des acteurs de la grande comédie du pouvoir.
Reste enfin à chacun à choisir son côté, quelle volée… la gauche ou la droite ?
Camera ! Action !
Publié par Laurent Gloaguen, le 17